« Lula : l’orateur par excellence »Entretien avec Paulo Roberto de Almeida, diplomate brésilien et professeur de sociologie et de politique économique à l’Université de Brasilia.
Décideurs : Quelle est la plus grande qualité de Lula ?
Paulo Roberto de Almeida : C’est un très bon orateur. Il a une rhétorique très convaincante. Il possède une très forte capacité à communiquer en langage simple, directe, avec des images vives et des références familières.Ces qualités lui ont permis de séduire les couches populaires brésiliennes. Il a aussi très vite appris à jouer avec la presse. Grâce à elle, il a réussi à se forger une image.« Ce n’est pas une question de convictions mais d’opportunisme politique»
Décideurs : Beaucoup de membres de son ancien syndicat lui ont reproché de s’être rapproché de la droite. En passant de syndicaliste à homme politique, pensez-vous que Lula ait renié ses convictions ?
P.R de A. : Pour affirmer cela, il faudrait supposer que ses convictions étaient clairement de gauches. Or, selon moi, Lula n’a jamais été un vrai homme de gauche ou un socialiste rationnel. Je m’explique. Il n’a jamais mis en place un programme progressiste typique de la gauche anti-capitaliste. Il y avait beaucoup de théâtre dans les initiatives et les discours de Lula. Il a su profiter de l’espace ouvert, à la fin du régime militaire et pendant la transition vers la démocratie, pour créer un parti de gauche non communiste et non lié à l’ancien syndicalisme vendu à l’État et aux patrons.Lula ne s’est pas rapproché de la droite. Au contraire, ce sont les industriels et la presse qui sont venus à lui quand ceux-ci ont senti que le vent avait tourné. En revanche, pour remporter les élections de 2002, Lula a modéré son discours pour gagner la classe moyenne plus conservatrice. Ces choix ne sont donc pas une question de convictions, mais d’opportunisme politique.
Décideurs : Comment jugez-vous les politiques économique et sociales de Lula ?
P.R de A. : Lula a été assez malin pour comprendre que la politique économique de ses compagnons de gauche était proprement schizophrénique. En effet, elle conduirait à un désastre comparable à celui d’Allende au Chili, avec une inflation galopante, une fuite des capitaux et une instabilité politique.En ce qui concerne sa politique sociale, je ne pense pas qu’elle constitue une rupture, contrairement à ce qui a été souvent dit. Bolsa Familia ne possède pas assez de contreparties, comme le contrôle de la fréquentation scolaire par exemple. Selon moi, ce programme est tout simplement une carte magnétique qui convertit des citoyens auparavant travailleurs en dépendants éternels de l’administration publique. Des personnes qui peuvent se révéler utile lors des périodes électorales.
Décideurs : Lula arrive bientôt à la fin de son second mandat. Selon vous, le bilan est-il positif? Qu'a-t-il apporté au Brésil ?
P.R de A. : Comme toujours, il faut séparer le mythe de la réalité économique et sociale. Le Brésil est-il mieux aujourd’hui qu’il y a sept ou huit ans auparavant ? Oui, mais cela est dû, en grande partie, aux politiques classifiées comme « de droite » : stabilité monétaire, responsabilité fiscale et taux de change flottant. Par exemple, Lula a respecté l’autonomie de la Banque Centrale. Contrairement à ses collègues d’Amérique du Sud, il a réussi à ne pas faire fuir les investisseurs étrangers.Mais il aurait pu aller plus loin. Le Brésil figure toujours parmi les dernières places du classement du Doing Business réalisé par la Banque Mondiale. Encore plus préoccupant, l’expansion constante et régulière des dépenses de l’État. Elles sont équivalentes au niveau des pays développés (38% du Produit Intérieur Brut) pour un revenu par tête six fois moindre.Par ailleurs, Lula a réussi à donner une image positive du Brésil. Cela est dû à son caractère jovial et sympathique qui a été largement répandu par la presse. Elle aime voir en lui l’histoire idéale du self made man.
Décideurs : Lula ne pourra pas se représenter pour un troisième mandat. Pensez-vous que son parti pourra l'emporter de nouveau ?
P.R de A. : Difficilement, tant le PT (Parti des travailleurs) reste dépendant du succès de son unique leader. Durant ces deux mandats, Lula n’a rien fait pour imposer un parti fort. Déjà aux dernières élections, le PT a perdu de sa superbe. Il n’a réussit à obtenir qu’un état. Quant aux municipales, le parti reste présent uniquement sur les villes les plus périphériques et les plus pauvres. Même si Lula réussit à nommer son successeur en mobilisant tout son prestige personnel, il est peu probable que le PT réussisse à s’imposer de nouveau.
domingo, 8 de novembro de 2009
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